Optimiser la gestion des lumières au sein des villes
Le milieu urbain concentre différentes sources de lumière. Et ces lumières, naturelles ou artificielles, ont un impact sur les végétaux. Ce phénomène est aujourd'hui mieux appréhendé par les collectivités qui peuvent adapter les sources lumineuses aux espèces végétales.
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« La lumière », rappelait récemment Didier Combes, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Lusignan (86), « est une ressource essentielle pour les plantes. » Une ressource dont ce spécialiste s'est appliqué à démonter quelques-uns des mécanismes dans le cadre du dernier Carrefour de l'innovation agronomique (Ciag) organisé à Angers (49), le 30 septembre dernier, avant d'illustrer les applications possibles et actuelles de ce travail.
1. SOURCE D'ÉNERGIE ET SIGNAL
La lumière agit à deux niveaux. Le premier est bien connu : la lumière est une source d'énergie, indispensable à la photosynthèse. « Mais elle constitue également un signal pour les plantes », complète Didier Combes. De fait, ces dernières ont développé des systèmes d'information sur leurs conditions d'éclairement. Ce qui leur permet de percevoir certaines caractéristiques du rayonnement comme sa durée, sa direction ou sa composition spectrale. Plus finement, on sait, par exemple, que les végétaux sont sensibles aux radiations bleues et rouges grâce aux photorécepteurs. Et que la perception s'effectue à un endroit précis. Chez les graminées, ce point de perception se situe à leur base. Mais pour d'autres espèces, il n'a pas encore été déterminé.
2. UNE REPONSE LOCALISÉE
Une fois l'information « lumière » perçue, la plante répond. Concrètement, « elle modifie son développement et son architecture, et ce », prévient Didier Combes, « à un endroit différent de celui où a eu lieu la perception ». Lors du Ciag, le chercheur a illustré ce point avec deux exemples. L'un chez les ligneux, « où, à la vue des mesures réalisées, on observe un allongement de la masse ligneuse, dans une situation de fort ombrage matérialisée par de faibles valeurs rouge clair ». L'autre chez les herbacées. « Là, l'impact se ressent sur l'orientation des feuilles : elles sont plus érigées en situation d'ombrage, plus étalées autrement. »
Comparant le rayonnement naturel et les lumières artificielles, Didier Combes a également expliqué que le premier « se compose d'un rayonnement direct, issu du soleil et d'un rayonnement diffus, issu de l'atmosphère ». Une composition très éloignée des lampes artificielles, qu'elles soient à incandescence, fluorescentes, à décharge ou électroluminescences (Led). « Les premières apportent surtout de la chaleur mais très peu d'énergie pour la photosynthèse. Les secondes sont, de ce point de vue, plus intéressantes avec une efficacité trois fois supérieure. Quant aux lampes à sodium ou à mercure, elles sont intéressantes lorsqu'on a besoin d'un niveau de rayonnement élevé pour la photosynthèse. »
3. CHOIX DES SOURCES
Outre l'éclairage naturel, la ville concentre beaucoup d'éclairages artificiels, un processus engagé depuis longtemps. « Il a démarré au XIXe siècle avec celui des parcs au gaz. À l'époque, les villes cherchaient à assurer la sécurité du public. » L'illumination de végétaux remarquables, tel qu'on le connaît aujourd'hui date, quant à elle, des années 1980. Elle s'inscrit dans une approche patrimoniale et fait appel à des sources d'énergie diversifiées, parfois couplées à l'installation de filtres de transmission de lumière. « Aujourd'hui se dessine une nouvelle étape », constate Didier Combes. Sous l'influence des préoccupations liées à la biodiversité, de plus en plus de collectivités locales s'intéressent en effet à l'impact de ces procédés sur les végétaux. C'est le cas, par exemple, du Parc de la Villette, à Paris, ou de celui de Gerland, à Lyon (69). Tous deux ont répertorié les sources de lumière existantes avant de mesurer, pour chacune, la quantité et la qualité de son rayonnement. « Ce travail permet d'identifier les longueurs d'onde active sur le développement des plantes. Ce faisant, il permet d'émettre des hypothèses de développement, et aide les collectivités à choisir des sources de lumière adaptées à l'espèce et qui permettent son maintien dans le milieu. »
4. USAGE DES LAMPES
Émergente, la thématique « lumière-végétaux » ne s'applique pas uniquement aux parcs et arbres remarquables. Elle est également à l'oeuvre sur les terrains de football équipés de tribunes, et pour une raison bien compréhensible. De facto, la partie d'un terrain de football située à l'ombre des tribunes ne reçoit pas de rayonnement direct, mais uniquement du rayonnement diffus. Résultat : elle se dégrade et, à l'extrême, n'est plus praticable. « Les tribunes ne sont pas seules en cause », pointe Didier Combes. « Les matériaux utilisés ont également un impact sur le degré d'ombrage. » De fait, lorsque ces tribunes ont été recouvertes d'un matériau translucide, dont le rayonnement lumineux est censé minimiser les effets de l'ombre, on s'aperçoit que la transmission au niveau de la pelouse est faible. « Il y a beaucoup de dispersion. »
En pratique, pour pallier les défauts de pousse, les collectivités utilisent des rampes dotées de lampes à sodium haute pression. « À Lusignan, l'Inra a développé un portail web baptisé Lami (Logiciel d'analyse du micro climat), qui permet d'optimiser l'utilisation de ces équipements. » Disponible pour les gestionnaires de stades, il prend en compte les conditions réelles de rayonnement, réalise un bilan et détermine le temps d'utilisation et le positionnement des rampes lumineuses.
Anne Mabire
VALÉRIE VIDRIL
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